Le jeudi, 22 décembre 2016, Dr. Ramdani Fatima Zohra a été désignée Lauréate du « Prix Mandela du Leadership Féminin » par le Jury de l’Institut Mandela à Paris. Une interview à l’issue de la Cérémonie de Remise des Prix Mandela, du 25 février 2017, à l’Hôtel Marriott Paris Champs Elysées.
Dites-nous, qui êtes-vous ?
Je suis Maître de Conférence à la Faculté de Droit et Sciences Politiques de Tlemcen. Depuis dix ans, je suis Juriste pabliste constitutionnaliste et membre du laboratoire de recherches de « droit et libertés publiques ».
Que représente ce prix pour la jeune chercheure que vous êtes ? Aura-t-il une influence sur votre évolution au sein du monde universitaire ou sur votre évolution professionnelle ?
J’ai ressenti une très grande joie. Je suis très heureuse d’avoir été choisie comme leadership féminin par le jury de l’Institut Mandela. Ce prix, qui porte le nom d’une grande personnalité politique, d’un infatigable défendeur des droits de l’homme et d’un grand nom de l’icône de lutte contre l’apartheid, est un immense honneur pour moi.
J’ai aussi un peu d’appréhension car je considère ce titre comme une véritable responsabilité : je me dois de donner envie au maximum de femmes de faire comme moi. J’ai aussi réalisé avec bonheur que la candidature que j’avais proposé devait être viable puisqu’il avait séduit un jury de grande qualité et je peux témoigner que c’est une grande satisfaction d’obtenir une telle reconnaissance.
À titre professionnel, le prix donne une légitimité supplémentaire au jeune chercheur que je suis et assure une valorisation nécessaire aux travaux de recherche en sciences humaines et sociales. Il me permet d’envisager la poursuite de mes recherches avec confiance et de construire de nouveaux projets avec enthousiasme !
Avec vos travaux, vous avez collecté de nombreux prix, ça ne met pas trop la pression pour la suite ?
Je dois dire que je n’ai toujours pas atterri. C’était une grande surprise et une grande joie. Les prix donnent un coup de projecteur et de crédibilité. Ils permettent de donner une valeur ajoutée au travail fait. Et j’ai de très bonne impression de mon entourage. C’est très émouvant de voir que les questions qui me touchent, les touchent aussi comme la noble cause de femme
Qu’est-ce qui vous avez poussée à poser votre candidature au Trophée Mandela de Leadership ? Quelles étaient vos motivations ? Comment en avez-vous entendu parler ?
En faite plus d’une vingtaine de personnes m’ont informé qu’elles ont proposé ma candidature au Prix Mandela. J’y croyais pas, jusqu’à ce j’apprends ma nomination par les médias, confirmée plus tard par la lettre de l’Institut Mandela. Et j’en suis honorée.
Racontez-nous le moment où vous avez appris que vous étiez Lauréate.
Quelle a été votre réaction ? Qu’avez-vous ressenti ?
En trois mots : heureuse, curieuse, fière. Aujourd’hui, je suis très contente de recevoir ce prix des mains d’une grande dame politique, Madame Olga Johnson, Conseillère de Paris et Directrice Générale de la Fondation Énergies pour l’Afrique, présidée par le Ministre d’Etat Jean-Louis Borloo.
Pourquoi avez-vous choisi d’explorer les questions de conditions de la femme dans votre travail académique et politique ?
Dans la majorité des pays, les droits des femmes sont bafoués. Pour comprendre ces inégalités et la manière dont nous pouvons tous nous impliquer pour les droits des femmes, ont motivé mes approches.
• Les violences contre les femmes sont l’une des violations des droits humains les plus répandues dans le monde et pourtant les moins reconnues ou tolérées.
• Selon la Banque mondiale, le viol et la violence conjugale représentent un risque plus grand pour les femmes entre 15 et 44 ans, que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis.
L’égalité des sexes est un droit humain fondamental. C’est également un facteur essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Les sociétés ne peuvent prospérer durablement quand la moitié de leur population n’a pas suffisamment accès aux ressources économiques et sociales.
• Deux tiers des 774 millions d’adultes analphabètes dans le monde sont des femmes. Pourtant, si toutes les femmes suivaient des études secondaires, la mortalité infantile serait réduite de moitié.
• Les femmes ne possèdent que 20% des terres cultivées dans le monde, or l’égalité des genres dans l’agriculture sauverait 150 millions de personnes de la malnutrition.
Donc pourquoi défendre les droits des femmes à travers vos actions ou vos recherches ?
Plus qu’à mes travaux académiques en relation avec le laboratoire de recherche sur les droits et liberté publique dont je suis membre fondatrice à l’Université de Tlemcen, mes actions sociopolitiques aux niveaux national et international se concentrent à la sensibilisation, l’influence et l’inspiration des individus pour atteindre un objectif organisationnel et pour les motiver d’effectuer des recherches sur les conditions de vie des femmes. On a pu, grâce à ces actions, proposer des solutions réelles aux différents obstacles rencontrés par les femmes, que ce soit pour leur participation à la vie politique et à la prise de décision, le renforcement de leur développement social. Nous avons aussi lancé une campagne pour sensibiliser les citoyens aux positions des partis politiques concernant les problèmes liés aux femmes, à la stratégie de lutte contre la violence fondée sur le genre et à beaucoup d’autres actions en collaboration avec le Ministère Chargé de la Famille et de la Condition Féminine.
Comment garantir les droits des femmes ?
En faite, c’est le travaille de toute la société, il faut la sensibiliser de l’importance des droits de la femme pour l’équilibre social et familial. Il faudra assurer à la femme, les options de :
décider de leur vie, notamment grâce à un accès aux droits fondamentaux, tels que l’éducation ou la santé ;
agir et mettre en œuvre leurs choix, notamment par l’accès aux ressources économiques.
connaître et pouvoir revendiquer leurs droits au sein de leur famille comme dans la sphère publique, notamment en étant représentées dans les organes de décisions
Vous êtes membre de plusieurs organisations valorisant la place des femmes dans les différents domaines. Qu’est-ce qui vous a conduit à mener un tel combat ?
Comme je l’ais déjà motionné, je suis profondément convaincue que les femmes ont des réelles compétences pour embrasser les différents domaines passionnants d’autant que les défis de nos sociétés nécessitent de solides connaissances dans ces domaines. Ainsi, c’est plus que jamais le bon moment pour les femmes d’investir largement tous les champs et domaines dans lequel elles sont d’ailleurs très demandées, sans compter que la diversité des approches constitue un facteur favorable à l’innovation et à la recherche. J’ai choisi de mener ce combat pour accomplir des actions positives pour mon laboratoire de recherche et pour la société algérienne.
Quels sont vos projets professionnels et pensez-vous que ce prix aura un impact sur votre parcours ?
Cette récompense prestigieuse est surtout pour moi un signe très fort de l’intérêt que porte aujourd’hui notre communauté au droit de l’homme, à la paix, aux valeurs de la démocratie, à la femme et son image. Cela nous motive à continuer nos actions et va nous permettre d’élargir notre périmètre d’interventions. C’est un appel à l’action énergique. L’un de mes principaux souhaits repose sur la poursuite de mes recherches. Mon rêve serait de faire partie d’une équipe de recherche mondiale en matière de développement et de changement des conditions de vie des femmes pour y apporter ma modeste expérience.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux lecteurs de cet article
C’est effectivement la première fois que l’on rend hommage de cette manière à plusieurs femmes qui se sont investies dans des combats pour l’égalité, les libertés fondamentales et les droits de l’homme. Le message que je souhaite faire passer, c’est de montrer que les femmes peuvent véritablement s’investir dans la défense des droits humains et lutter contre toutes les formes possibles de violences sociales et familiales. Chaque combat pour la démocratie et le respect des libertés a potentiellement une dimension universelle. J’aimerais par conséquent que la jeune génération d’avocates s’inspirent de ces femmes d’exception et sachent faire des causes qui leur sont chères des engagements de toute une vie.
Quels sont les combats qu’il vous semble urgent de mener dans le monde et en Algérie ?
Celui de l’égalité. Dans certains pays, la femme est encore considérée comme un objet. Il faut changer le regard que les hommes portent sur les femmes. Il faut aussi changer celui des femmes qui s’autocensurent et renoncent à leurs ambitions. Cette bataille pour l’égalité n’est pas seulement culturelle, elle est aussi juridique et politique, et c’est la raison pour laquelle le droit doit s’imposer partout. Il faut aussi lutter contre la maltraitance des petites filles à travers le monde, contre la traite des femmes et contre l’esclavage moderne. En somme, il faut défendre le respect dû à tout être humain. En Algérie, grâce à Son Excellence Monsieur le Président Abdelaziz Bouteflika, la femme est placée au centre des priorités de son programme d’action, et personne ne peut nier ses efforts pour la consécration du principe d’égalité homme-femme. Grâce à sa vision, son action et son engagement envers les femmes algériennes, je me trouve l’avocate de lutte contre les violences faites aux femmes dans les différents domaines. Comme je l’ai fait à la Cérémonie à l’Hôtel Marriott Paris Champs Elysées, je profite de cette tribune pour dédier ce prestigieux prix à ma patrie l’Algérie et à mon Président, Son Excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika dont la vision m’inspire beaucoup dans mes actions universitaires et politiques. Je le remercie pour son soutien au domaine de la recherche scientifique. Je pense qu’il mérite amplement le plus grand Prix Mandela pour l’ensemble de sa carrière diplomatique et politique. Il le mérite grandement pour ses actions en Algérie, en Afrique et dans le Monde.